vendredi 25 mars 2011

Journal d'une enfant survivante, May Kham



Date de parution : 27 septembre 2010; édition les nouveaux auteurs, 350 pages, ISBN: 9782819500322, Témoignage

Mot de l'auteur

« Ce livre que je porte en moi depuis de très longues années est un hommage aux survivants, aux exilés et aux apatrides..."

L'histoire racontée dans ces pages, avec une sensibilité à fleur de peau, est celle d'une jeune Hmong du Laos. Depuis son enfance auprès d'un père général allié des Occidentaux, jusqu'à son exil en France, en passant par les terribles camps de la jungle thaïlandaise, mouroirs à ciel ouvert. Maykham, gamine singulière puis adolescente révoltée, est forcée de se battre contre la faim, la mort et l'oubli, mais aussi l'incompréhensible abandon d'une mère, l'éclatement d'une famille dans un milieu rétrograde, face à une société incompréhensible, une culture nouvelle et des amours insensées. Pourtant le courage de Maykham, qui parvient à nous faire sourire dans cette tourmente, précipitera son destin. Pour la première fois aussi intimement retracé, le destin tragique des Hmongs, "supplétifs indigènes" d'Asie, abandonnés à leurs ennemis après les guerres de décolonisation. L'espoir aussi de nombre de réfugiés qui rêvent d'une France de l'accueil.



Mon avis

J’ai découvert l’histoire de MayKham par hasard, au détour d’une halte sur Facebook. Comme quoi ce réseau peut parfois être très instructif. MayKham m’a gentiment fait parvenir son ouvrage que j’ai eu le loisir de lire avec attention. Je n’ai pas mis en ligne immédiatement mon commentaire faute de temps, il faut bien l’avouer, mais aussi parce que j’ai cherché à savoir qui étaient les Hmongs dont MayKham nous parle dans son roman avec tant de passion et pourquoi ce peuple est victime de persécution ! En étudiant à mon petit niveau leur histoire et en découvrant le débat dont ils font l’objet je suis assez stupéfaite. Pourquoi tant de personnes et dans de politiques cherchent-ils à taire ce génocide ? Pourquoi ne pas ouvrir un débat constructif à ce sujet ? Le livre de Maykham est un hommage aux survivants, aux exilés et aux apatrides.KF


L’histoire relatée dans « Journal d’une enfant survivante » pose des problèmes essentiels liés au cas des Hmongs, peu connus en Europe et peut-être dans le reste du monde d’ailleurs, les camps, l’expatriation, l’intégration dans les terres d’accueil et comme prisonniers d’un cercle vicieux à l’étranger les voilà de nouveau soumis à une autre forme de camps, de ghettos, exposés quotidiennement au racisme et à l’exclusion. Alternative par forcément meilleure d’ailleurs.

MayKham par le biais de son histoire personnelle et avec toute la sensibilité et l’exposition que cela implique nous emmène vers l’inconnu pour nous faire découvrir ce qu’était sa vie et à travers elle la vie du peuple Hmong.

Dans un roman autobiographique, il faut toujours une certaine dose de courage pour vaincre ses peurs et oser se mettre à nu si l’on peut dire devant un lecteur impitoyable. Histoire vraie à environ 90%, seuls certains noms ont été changés pour préserver l’identité des intéressés et certaines scènes simplifiées pour rendre le récit plus fluide, mais tout le fond est vrai, c’est-à-dire les évènements vécus par l’auteure et l’histoire du peuple Hmong des persécutions subies dans leur pays à leur expatriation. En s’intéressant aux conditions d’écriture de MayKham qui rédigea ce livre pour le présenter à un concours organisé par Les Nouveaux Auteurs nous apprenons qu’elle n’a pas eu d’autre choix pour des raisons de délai ou de format d’élaguer pour une grande part son journal intime qui lui a servi de support. Ce qui explique pourquoi certaines périodes sont moins développées que d’autres comme son arrivée à Paris. Mais cela ne gêne en rien la compréhension du récit et lui laisse une porte ouverte pour un deuxième tome plus fouillé pourquoi pas.

L’écriture de MayKham est très agréable, limpide, imagée et si l’on tient compte du fait qu’il s’agit là de son premier roman le lecteur ne peut qu’être satisfait de son style. Le fond apporte une touche particulière, une originalité qui aiguise notre curiosité, notre désir d’en savoir davantage sur ce peuple Hmong.

Au fil des pages, notre sympathie ne fait que croître pour la petite MayKham qui fait preuve d’une force incroyable, d’un instinct de survie « animal » comme le dit aujourd’hui l’enfant devenue adulte qui passe du jour au lendemain sans y être préparée, d’une enfance heureuse à un destin tragique confrontée à la persécution des Hmongs dont elle fait partie. Elle se retrouve dans un camp de réfugiés et lutte chaque jour contre la mort, contre le temps. Le camps où la misère est telle que les prisonniers sont contraints de manger des vers de terre ou même de la terre pour apaiser leur faim. Absence d’hygiène comme dans tous les camps, même les morts sont brulés pour éviter les épidémies. Mais malgré tout, les yeux d’enfant de MayKham nous montre l’exceptionnelle dignité dont font preuve les prisonniers Hmongs qui ne se plaignent pas, ne se battent, pas se respectent et continuent à pratiquer leurs traditions et leur culture. La petite MayKham peut sembler dure mais comment réagir autrement face à la mort qui rode autour d’elle quotidiennement, elle est obligée de se forger une carapace pour vivre. Comment imaginer la souffrance qu’une enfant de 5 ans a pu ressentir chaque jour, chaque nuit en s’endormant affamée, ne sachant pas si elle se réveillerait le lendemain matin, éprouvant un soulagement en sentant contre elle le corps chaud des membres de sa famille, pour preuve de vie ? Cette petite fille qui dès sa naissance avait un caractère bien trempé, a su se préserver et s’adapter (en servant de traductrice dans le camp en échange de bonbons et plus tard adolescente elle aidera les familles des HLM en France en décryptant pour eux les documents administratifs). Le pire traumatisme sera après l’abandon de son père, celui de sa mère, tendrement aimée. Ce fut un déchirement pour cette enfant. Seule dans ce camp avec ses frères jusqu’à ses 8 ans, avant de voir sa famille à nouveau réunie en France dans des conditions sans doute aussi effroyables. Dans les camps seuls les couples avec 5 enfants étaient autorisés à partir vers la France, les critères de sélection pour les autres destinations l’Europe ou les Etats-Unis étaient un peu différents. Cette règle barbare et injuste causera l’éclatement de nombreuses familles qui ne se retrouveront pas toutes par la suite. A une douleur s’en ajoute une autre, le choix à faire pour des parents ou un parent isolé : sauver tout ses enfants ou seulement quelques-uns d’une mort certaine ? Aucun jugement ne peut être porté surtout depuis nos maisons confortables ou un tel dilemme ne pourrait à priori jamais nous arriver. Sa mère fait le choix de partir avec un homme pour quitter le camp, homme qui l’abandonnera sitôt arrivé en France mais c’était le contrat pour sortir du camp.

Un enfant innocent et aucun être humain ne devraient à avoir à supporter des génocides, des barbaries des violences sous quelque forme que ce soit y compris l’oubli. L’esprit et le corps en sont marqués à jamais pour ceux qui survivent. Le sort des Hmongs cachés dans la forêt n’est pas non plus enviable traqués par les convois de soldats vietnamiens ou chinois, arrêtés torturés, reconditionnés par les communistes qui leur reprochent leur alliance avec la France et les USA. Aujourd’hui, 35 ans après, au Laos, les Hmongs dont la grand majorité a disparu, vivent pour certains dans les montagnes, pour d’autres dans des camps mais leur statut de réfugiés politiques leur a été retiré leur vie ne tenant dès lors qu’à un fil…

Les Hmongs soumis à une ségrégation dans leur pays ne seront pas préservés sur les terres d’accueil dont ils ont tant rêvé. Parqués de nouveau dans des quartiers ghetto dans les banlieues sensibles comme Monclar à Avignon ou les communautés sont en constante rivalité. La famille de MayKham en fera les frais, première famille asiatique à arriver elle subira les insultes et brimades loin du cliché idyllique qu’ils s’étaient fait de la France. Tout un système d’accueil et de prise en charge à revoir. Face à une violence inouïe et à des conditions de vie précaires, la famille se brisera et génèrera elle-même ses brimades, loin des liens puissants qui les reliaient dans le camp au Laos. MayKham ne supportant plus tant d’incompréhension et de rejet prendra son envol pour mener sa vie et affronter seule tous les dangers.

Aujourd’hui pour transmettre l’histoire de son peuple et ne pas laisser les survivant sen sursis tomber dans l’oubli et l’ignorance, MayKham a pris le risque de mettre sa vie en danger, d’ignorer les menaces de mort dont elle fait l’objet de la part du gouvernement actuel du Laos et des membres de sa communauté qui lui reprochent son manque de pudeur. Cette communauté est connue pour son sens de la solidarité entre eux, à l’étranger les Hmongs et les laotiens vivent le près possible continuant à pratiquer leur culte et leurs fêtes. Divulguer le mal-être de leurs membres, les secrets d’alcôve est synonyme de trahison et de bannissement. Une grande leçon de courage à méditer surtout pour les gouvernements ou les organisations qui volontairement refusent de reconnaître les persécutions dont sont victimes les Hmong. La communauté internationale et chaque individu devraient à mon sens se mobiliser pour dénoncer cette situation et trouver une solution acceptable puisque des vies humaines sont en jeu.



Informations complémentaires sur le peuple Hmong :

A lire : le livre de Cyril Payen: "Laos, la guerre oubliée" Robert laffont

Découvrir le le blog de Maykham

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